A quoi ressemblera le recrutement du futur ?

Le bon vieux CV et la lettre de moti­va­tion ont-ils vécu ? Les avis des pro­fes­sion­nels du sec­teur divergent radi­ca­le­ment, mais les réseaux sont uti­li­sés par tous, ou presque.

Mais faut-il pour autant aban­don­ner le vieux CV papier et sa lettre de
moti­va­tion pour can­di­da­ter en 2015 ? Faut-il envoyer une vidéo élo­quente et per­son­na­li­sée en guise de can­di­da­ture ? A quoi res­sem­ble­ra le recru­te­ment en 2025 ? En 2030 ?

Sur le sujet, les avis des pro­fes­sion­nels du recru­te­ment divergent radi­ca­le­ment. Ques­tion de géné­ra­tion, d’intégration des outils Inter­net par l’employeur, de niveau d’expertise des can­di­dats recher­chés. Les entre­prises déve­loppent certes leur pré­sence sur les réseaux sociaux (Lin­ke­dIn, Via­deo pour les plus cités). Elles recourent aux nou­velles tech­no­lo­gies : du très ins­tal­lé Google pour se faire une idée du can­di­dat avant de le rece­voir, jusqu’aux agré­ga­teurs de pro­fils, pour les plus modernes. Ces moteurs de recherche d’un nou­veau type qui consti­tuent des listes de pro­fils recher­chés font leurs pre­miers pas sur le mar­ché du tra­vail français.

La fin du CV unique

Mais Syn­tec, Robert Half, Robert Wal­ters, comme tous les grands cabi­nets de recru­te­ment ne jurent que par l’entretien, ou plu­tôt les séries d’entretiens. Le nombre de ren­dez-vous avant l’embauche a aug­men­té ces der­nières années, indique le cabi­net Deloitte. Les pro­fes­sion­nels du recru­te­ment ne se passent ni du cur­ri­cu­lum vitae ni de la lettre de moti­va­tion pour la pre­mière approche du can­di­dat. Tou­te­fois, seules 10 % des entre­prises uti­lisent le CV comme unique canal d’embauche, note l’Association pour l’emploi des cadres (APEC).

Et toutes les entre­prises ne s’adressent pas aux cabi­nets, loin de là. Six sur 10 n’y ont pas recours, indique l’étude RH Advi­sor, publiée le 7 octobre. Au nombre des rai­sons de leur dés­in­té­rêt pour ces pro­fes­sion­nels du recru­te­ment, une quan­ti­té suffi­sante de can­di­da­tures reçues par Inter­net. Le coût du chas­seur de tête n’est plus autant justifié.

Le recru­te­ment par le Web entre­rait-il dans sa matu­ri­té ? L’Observatoire SIRH (sys­tème d’information de ges­tion des ressour­ces humaines) vient de lan­cer son enquête en ligne pour y répondre (observatoiresirh.com). Sans attendre les résul­tats, les jeunes diri­geants de Link Humans, spé­cia­listes du recru­te­ment sur mobile et réseaux sociaux, misent sur le vir­tuel. Car ils sont convain­cus de l’obsolescence des moyens tra­di­tion­nels. Alors que les chiffres de l’APEC s’entêtent à affir­mer que le CV reste le canal de recru­te­ment plé­bis­ci­té par tous – c’était le cas de 82 % des entre­prises inter­ro­gées dans la der­nière édi­tion de leur enquête annuelle « Sour­cing cadres » –, Jean-Chris­tophe Anna, cofon­da­teur et direc­teur asso­cié de Link Humans, estime que « le CV tra­di­tion­nel appar­tient au pas­sé ». Il lui pré­fère le CV vidéo, qui ren­seigne mieux sur la per­son­na­li­té recrutée.

La personnalité du candidat

Lors de ses der­niers recru­te­ments, Jean-Chris­tophe Anna a deman­dé sur Inter­net, en lieu et place du fameux binôme CV-lettre de moti­va­tion, une simple défi­ni­tion du recru­te­ment de demain. Ste­ve­lyne Marie a répon­du : « Le recru­te­ment de demain, ce n’est pas 20 minutes d’entretien et une sélec­tion de CV, de lettre de moti­va­tion dont on sait per­ti­nem­ment qu’elles ne disent ni la véri­té ni la per­son­na­li­té du can­di­dat. C’est un recru­te­ment où le can­di­dat idéal n’a pas à ren­trer dans des cases, d’ailleurs il n’y a pas de cases. » Elle a été recru­tée fin juillet. Link Humans, qui a pour voca­tion de chan­ger les modes de recru­te­ment, parie sur la double res­source des réseaux Inter­net et de l’humain et ima­gine le DRH de demain comme un ingé­nieur ana­lyste des don­nées recueillies sur le Net.

Mais der­rière la tech­no­lo­gie, les pro­ces­sus demeurent. Pour Patrick Lare­do, secré­taire géné­ral de Wil Groupe, spé­cia­li­sé dans le recru­te­ment inter­na­tio­nal de mana­gers de tran­si­tion, le DRH de demain est « celui qui sau­ra à la fois faci­li­ter le trans­na­tio­nal et faire venir un étran­ger en local pour son exper­tise ». Ce qui se tra­duit par un tra­vail de réseau per­ma­nent pour consti­tuer des équipes inter­na­tio­nales d’experts. En termes de mode de recru­te­ment, « aujourd’hui il y a une fron­tière entre les pro­fils recru­tés par Inter­net et ceux qui suivent le clas­sique che­mi­ne­ment réseau, CV (vir­tuel ou pas), entre­tiens, recru­te­ment, dit-il. Pour tous les pro­fils stan­dards, le fichier infor­ma­tique est bien, mais pour les pro­fils experts, c’est le réseau qui prime ».

Les sources les moins chronophages

Aux Etats-Unis, le recru­te­ment sur les réseaux sociaux va de pair avec la pra­tique de la coop­ta­tion. La recom­man­da­tion per­son­nelle du can­di­dat a gagné du ter­rain à la faveur de la crise. En France, dans quatre recru­te­ments sur dix, le can­di­dat-cadre était connu de l’entreprise avant le début du pro­ces­sus de recru­te­ment, constate l’APEC« Les recru­teurs se tournent d’abord vers les ­moyens de sour­cing les moins chro­no­phages et les moins coû­teux », com­mente l’association.

Selon la der­nière enquête « Sour­cing » de l’APEC publiée en juin, il n’y a pas de sub­sti­tu­tion de nou­veaux modes de recru­te­ment aux anciens. Les recru­teurs pri­vi­lé­gient dans ­l’ordre : les can­di­da­tures spon­ta­nées (62 %), les contacts du recru­teur (55 %), la coop­ta­tion (36 %), les can­di­da­tures d’anciens sta­giaires (34 %), et les réseaux sociaux (22 %). Les entre­prises de plus de 1 000 sala­riés sont celles qui uti­lisent le plus de « sources » de can­di­dats, cinq en moyenne. Les modes de recru­te­ment de demain s’inscrivent donc dans la complémentarité.

« L’ensemble des recherches montre qu’un recru­te­ment “réus­si” – pour l’entreprise et le can­di­dat : adap­ta­tion du can­di­dat aux mis­sions qui lui seront confiées, adap­ta­tion du can­di­dat aux valeurs de l’entreprise, adap­ta­tion au tra­vail en équipe, rela­tions fluides au tra­vail avec les col­lègues et le mana­ger, etc. – est une opé­ra­tion rela­ti­ve­ment déli­cate qui requiert l’analyse d’un ensemble d’informations four­nies par le CV (com­pé­tences), un test de poten­tiel cog­ni­tif (rai­son­ne­ment logique), un test de per­son­na­li­té (styles de com­por­te­ments habi­tuels), une éva­lua­tion des moti­va­tions et inté­rêts, attentes, aspi­ra­tions, une mise en ­situa­tion, et un ensemble d’informations recueillies par un entre­tien (struc­tu­ré ou non struc­tu­ré), explique Jean-Pierre Rol­land, profes­seur émé­rite en psy­cho­lo­gie, à l’Université Paris Ouest Nan­terre-La Défense.

Se pas­ser, pour des rai­sons éco­no­miques ou pra­tiques, des infor­ma­tions four­nies par l’une ou l’autre de ces méthodes revient inévi­ta­ble­ment à perdre des infor­ma­tions qui peuvent s’avérer cru­ciales lors d’un recru­te­ment. » Le CV a donc encore de beaux jours devant lui, qu’il soit impri­mé ou recons­ti­tué sur Inter­net, mais la qua­li­té du recru­te­ment passe par la com­plé­men­ta­ri­té des approches.


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